LE SPECTACLE

Molière, le masque et la plume. Vie et œuvre d’un homme de théâtre 1622-1673

Comme Shakespeare avant lui, Molière est l’archétype de l’homme de théâtre : comédien accompli, aussi bien comique que tragique, metteur en scène talentueux, directeur de troupe charismatique, dramaturge inspiré, sachant assembler des morceaux choisis de la littérature existante. Homme de scène, de plume et de cour, aucune dimension du spectacle ne lui est étrangère. S’il devient lui-même auteur, c’est d’abord pour fournir des rôles à ses comédiens, en prenant en compte les contraintes de la scène, ce qui en fait un écrivain de plateau. C’est le regard rétrospectif de la postérité qui fera de lui un auteur canonique du répertoire classique, au prix de la sanctification d’un texte qu’il considérait plutôt comme une partition de jeu. Ironie de l’histoire, quand on sait que l’Académie française ne l’a jamais admis en son sein, en raison de sa profession déconsidérée d’acteur.

Celle-ci fait pourtant précisément la singularité de son écriture. Sa vie vouée au théâtre expérimente toutes les conditions du métier puisqu’il gravit les échelons du saltimbanque à l’artiste pensionné, favori de Louis XIV. Après des débuts parisiens difficiles, Molière devient comédien itinérant et, treize années durant, arpente avec sa troupe une grande partie du royaume, avant de faire un retour triomphal dans la capitale. Commence alors sa véritable carrière d’auteur. En à peine quinze ans, il monte quatre-vingt quinze pièces et écrit une trentaine de comédies, dont trois suscitent de violentes cabales.

Si son théâtre est en phase avec tous les publics, c’est qu’il doit composer avec des catégories distinctes de spectateurs : ceux de la ville et ceux de la cour.